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Le changement climatique en France, anomalie ou emballement?

Le changement climatique en France apparait plus fort que prévu
Evolution des températures France, crédit SDES

Au lendemain de la COP 28 qui s’est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023, il est opportun de faire un point non seulement sur le résultat de cette COP, mais aussi sur la dynamique du changement climatique en France.

 

Sur ces deux points, il faut être préoccupé, car :

  1. Ce grand rassemblement politique au royaume du pétrole n’a pas généré d’engagement contraignant de sortie des énergies fossiles pour les états.
  2. Les deux dernières années ont confirmé l’accélération du réchauffement climatique en France. Il s'accompagné de sécheresses et d’un niveau très bas de nos nappes phréatiques.

Ce qui semble être une anomalie serait elle un emballement du climat dans notre pays ?

  

Des études récentes nous permettent de mieux comprendre les phénomènes qui accélèrent le réchauffement sur notre pays, et qui sont liés à l’artificialisation des sols. En fait ce sont des informations encourageantes car elles tracent des perspectives de lutte locale contre ce changement climatique, à condition bien sûr de vouloir agir et de s'en donner les moyens.

 

Les solutions climatiques naturelles répondent parfaitement à ce défi. 


De la COP21 à la COP28

Courbe de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour tenir 1,5° après la COP 21;
Trajectoire de réduction des émissions GES pour tenir 1,5°

C’était promis : à la sortie de la COP21, organisée par la France en 2015, tout devait être mis en œuvre pour limiter le réchauffement climatique à 2°C. Et si possible à 1,5°, afin de permettre la survie de petits états insulaires (Sainte Lucie, Kiribati, Iles Marshall, Maldives…), qui seraient rayés de la carte par un réchauffement de 2°C.

 

Pour rappel, le réchauffement climatique a été déclenché et est entretenu par les activités humaines, et principalement les émissions de gaz à effet de serre. Elles sont issues en très grande partie de la combustion des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz.

 

Il faut aussi rappeler que pour tenir cet objectif de limitation d’un réchauffement à 2°, nous devrions réduire de 40% les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2035, soit 6% par an dès 2023. On retiendra cependant que elles-ci n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. La COP 28 n’a adopté aucune trajectoire de réduction des gaz à effet de serre et encore moins de feuille de route pour y parvenir. La conclusion de cette COP reste une parole en l’air. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Cette célèbre déclaration de 2002 reste d’actualité.

 

Le scénario réaliste est donc que les émissions de gaz à effet de serre vont continuer à croitre. Le changement climatique va s’accentuer. Pour mémoire, celui-ci à atteint 1,1°C en 2020. Au rythme actuel les 1,5° seront atteint avant 2035 (avec 10 ans d’avance sur les extrapolations de 2015) et les 2° avant 2060. Le monde ne s’entend pas pour limiter cette tendance qui nous conduit dans un mur. Il faut donc se préparer à un choc violent. 

 

En France et en Europe, même avec nos objectifs de neutralité carbone pour 2050, nous subirons un réchauffement mondial d’une extrême intensité. Celui ci affectera nos conditions de vie et nos systèmes économiques.


Changement climatique en France, où en sommes nous ?

Une réchauffement plus fort que la prédiction des modèles

Courbe de l'évolution des températures en France d'après Aurélien Ribes et al, 2022.
Evolution des températures en France, Ribes et al 2022

Le graphique ci-contre donne une idée de la dynamique du changement climatique en France.

 

En 2022 nous avons connu un écart de température moyenne par rapport à la période préindustrielle de 2,7°.  La France métropolitaine se réchauffe beaucoup plus vite que la moyenne du globe. S'il est connu que les continents se réchauffent plus vite en moyenne que les océans, notre pays semble beaucoup plus sensible que d’autres à ce phénomène.

Pourquoi notre pays se réchauffe t'il plus vite que prévu ?

C’est la question que se sont posés Aurélien Ribes et al dans leur travail de recherche publié en août 2022 dans le rapport « An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint ». Autrement dit réestimé du réchauffement passé et futur de la France basé sur une contrainte d’observation régionale ».

 

Ce que cette équipe a réalisé, c’est la mise à jour des prévisions de réchauffement climatiques en France, en s’appuyant sur les derniers modèles de simulation, et en l’alimentant par les dernières observations régionales disponibles. En d’autres termes, préciser le modèle pour notre pays en se recalant sur les dernières données régionales disponibles, plutôt que sur les résultats de simulations antérieures. L’objectif est de rafraichir les prévisions avec plus de réalisme d’une part, et d’expliquer les raisons des écarts entre les simulations antérieures et les températures observées. L’écart moyen de température observé est de 0,4 degré de réchauffement en 2020. (2° contre 1,6 proposé par les modèles antérieurs). Les auteurs estiment que la baisse des aérosols dans l’atmosphère explique cet écart. Mais alors pourquoi en France plus qu’ailleurs ?

 

Les auteurs ont ensuite réappliqué le modèle corrigé pour extrapoler l’évolution des températures jusque 2100, selon les différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre.

 

Nous présentons ci-dessous le scénario le plus défavorable présenté dans l'étude. Celui-ci doit à notre sens guider nos politiques d’adaptation-protection, en l’absence de plan mondial ferme et contraignant pour réduire les émissions de CO2. Nous devons prendre en compte le pire des scénarios. Celui-ci conduit potentiellement à une augmentation des températures moyennes de plus de 8°C en France d’ici 2100, avec pour la période estivale un réchauffement allant jusqu’à 12°.  En 2050 le réchauffement serait de 4° en moyenne annuelle et 5° en été. 

Dans le scénario SSP5-8.5, un réchauffement extrême

Perspectives de réchauffement climatique pour la France d'ici 2100 par Aurélien Ribes

Cette étude permet donc de faire coïncider les observations climatiques sur notre territoire avec les modèles de réchauffement et de dessiner une évolution climatique plus précise pour la France, malheureusement peu optimiste. La France semble donc être sous une dynamique d’emballement climatique. L'étude de Ribes et al permet de recaler les modèles au vu de la réalité. 


Le couplage sol - atmosphère

Autre raison de l'emballement du réchauffement en France ?

Une autre équipe de chercheurs, basée en Chine, s’est intéressée à un autre phénomène, appelé couplage sol – atmosphère. L’étude qui lui est consacrée, intitulée « soil moisture-atmosphere coupling accelerates global warming » a été publiée en août 2023.

 

Le principe de ce couplage est simple. Avec le réchauffement, l’énergie reçue par les sols augmente. Ceux-ci réagissent en absorbant une partie de cette énergie. L’autre partie est évacuée de façon convective d'une part et par la chaleur latente d'autre part, correspondant à l’évaporation de l’humidité en surface et dans les sols. Mais plus les températures augmentent, plus les sols s’assèchent et le flux de chaleur latente qui évacue l’énergie du sol par évaporation diminue. Cette diminution n’est pas totalement compensée par le surcroit d’évacuation d'énergie lié à la convection.

 

L’étude suggère donc que cette composante du couplage sol atmosphère est primordiale dans le phénomène global. (cf ci dessous). 

Résultats et quantification du couplage sol - atmosphère

Effet du couplage sol atmosphère sur le réchauffement climatique. Un effet de 1 ° en France à l'horizon 2050 et plus de 2°C en 2100.
Impact du couplage sol atmosphère sur le réchauffement climatique, Liang Qiao et al, 2023

Les chercheurs ont modélisé cet effet selon deux scénarios de réchauffement climatique (SSP1 2.6 et SSP5 8.5, le plus fort). Les cartes présentées dans les résultats de l’étude indiquent qu’en France :

  • l’effet du couplage pourrait avoir atteint 0.4° sur la décennie 2010-2020,
  • et qu’il pourrait atteindre plus de 2° à l’horizon 2100. 

Les auteurs recommandent que les politiques publiques, notamment en Europe et aux États Unis, incorporent des programmes de maintien et de restauration des écosystèmes afin de préserver l’humidité dans les sols.

 

Si ce phénomène de couplage sol-atmosphère contribue au réchauffement global, l’effet est régional et dépend de la nature de l’occupation des sols et de leur artificialisation. 


Reboiser pour atténuer l'effet du changement climatique

Intervenir sur le couplage sol atmosphère avec la végétation

Une France de la forêt coupée en 2, notre faiblesse face au changement climatique en France.
Fond de carte photo IGN, les massifs forestiers ressortent en vert foncé.

Les sols de notre pays sont très largement artificialisés, non seulement du fait de l’urbanisme, mais surtout de par les politiques agricoles de ces dernières décennies qui ont conduit à des techniques d’exploitation intensives. Celles-ci ont généré des sols très artificialisés avec peu de végétation permanente. Ceci est particulièrement vrai sur la partie ouest et nord du territoire (à l’ouest d’une ligne Bordeaux - Longwy) et dans le sud-ouest autour de la Garonne.

 

 

Les sols de cette partie du territoire sont peu pourvus en haies denses (+ de 200 m linéaires à l’hectare) et en forêts. Il en résulte une moindre capacité des sols à absorber les eaux de pluie hivernales et par rebond à moins évapo-transpirer en période chaude.

 

On comprend donc que notre pays est dans une situation de faiblesse face au changement climatique. L'effet de couplage sol-atmosphère est défavorable, c'est un facteur aggravant.

Reboiser pour limiter l'effet de couplage sol-atmosphère

Reboiser pour diminuer l'effet du couplage sol atmosphère.
Crédit Pixabay

Pour lutter contre le changement climatique en France, il est indispensable de revégétaliser le territoire, et notamment en reboisant. C’est la partie ouest du territoire qui doit recevoir la plus grande partie de ces reboisements.

 

C’est ce que propose la Terre du futur dans ses projets de reforestation.


Article rédigé par Frédéric Durdux