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Gestion forestière en France : l'État défaillant

Une politique inadaptée au réchauffement climatique

Passer d'une logique commerciale à une logique de forêt patrimoniale

La politique inadaptée de l'état pour la gestion forestière. La forêt en France doit faire l'objet d'un politique plus ambitieuse.

La gestion forestière a un rôle significatif à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique. Que ce soit pour capturer du CO2, atténuer les effets de sécheresse, ou fournir du matériau durable, la forêt est un précieux allié qu’il faut cultiver avec le plus grand soin. 

 

Manifestement, l'État n'a pas pris en compte la réalité des enjeux en matière de gestion forestière… 

Les principes de gestion durable des forêts

Les principes de la gestion forestière durable en France ont été énoncés il y a près de 300 ans. Ils sont nés de la prise de conscience du déficit des forêts d’alors, surexploités pendant des siècles, et qui ne pouvaient alors plus fournir l’état bois de construction. De cette prise de conscience est né le régime forestier qui définit les principes de la gestion forestière des forêts de l’État et aussi aujourd’hui, des collectivités locales.

 

Le régime forestier est mis en œuvre par l’ONF, l’Office National des Forêts.

Ce régime forestier est globalement un atout dans la gestion de notre forêt. Il faut noter cependant qu’il ne s’applique pas au secteur privé, uniquement soumis au code forestier.

 

Soumises au réchauffement climatique et à l’accentuation des stress hydriques, les forêts vont devoir muter, s’adapter, et ce, en quelques décennies. Seule une politique publique de recherche associée à des plans de transformation de long terme seront capables d’adapter la forêt à ces changements. Le secteur privé, coincé dans des réflexes de court terme sera incapable d’agir. Globalement, et malgré ses moyens limités, l’ONF remplit cette mission de gestion forestière durable.

Où est la politique d'usage des sols en France ?

Le principe de préservation des forêts n’est pas suffisant. Alors que le réchauffement climatique est une réalité, que celui-ci semble sur le haut des estimations initiales, que les politiques pour réduire les gaz à effet de serre ne sont pas mises en œuvre, nous devons déployer gestion forestière en France bien plus ambitieuse, même si les surfaces de forêts en France sont les troisièmes d’Europe, derrière la Finlande et la Suède.

 

La France a pris du retard dans la réflexion sur l’usage des sols du pays. Là où le Royaume Uni a procédé à un diagnostic puis émis des recommandations sur l’usage de ses sols qui prévoient de faire progresser les surfaces forestières, la France s’en tient, officiellement, à une ambition limitée de préservation de ses forêts. Officiellement du moins, parce que dans la réalité, les risques de remise en question de ces principes sont avérés. La gestion forestière en France n'est pas intégrée dans un schéma directeur général d'occupation des sols. Nous naviguons à vue.  

 

La pression pour produire du bois et rentabiliser les instances de gestion forestière nationale est de plus en plus forte.

Les risques sur l'ONF

Depuis plusieurs années l’ONF subit un démantèlement. Les effectifs sont passés de 15000 agents en 1985 à moins de 9000 aujourd’hui. Depuis le mois de janvier 2020, le gouvernement manoeuvre pour modifier le code forestier et réduire le rôle de l’Office dans la gestion des forêts des collectivités territoriales. Le rapport piloté par l’Inspection Générale de Finances en 2015 sur la mise en œuvre du régime forestier par l’ONF dans les collectivités locales faisait apparaitre un surcoût ONF par rapport à la gestion forestière privée.

 

Depuis plusieurs années, les lobbies de l’industrie du bois se plaignent du surcoût du bois issu des forêts françaises en comparaison des forêts scandinaves, et tout se passe comme si le gouvernement Macron était en train de se coucher devant les industriels, au détriment d’une gestion forestière saine et durable.

 

Les forêts scandinaves, essentiellement constituées de monocultures de résineux, faciles à exploiter et homogènes fournissent un bois moins couteux que nos forêts. Mais la forêt ne doit pas être considérée comme une usine à produits dont les coûts doivent être rationalisées à tout prix.

 

C’est une gestion forestière durable qui doit prévaloir, animée par des objectifs de long terme et privilégiant la diversité des essences cultivées. Seule une gestion administrée publiquement peut répondre à cette exigence. La mission de gestion durable de toutes les forêts publiques par l’ONF doit être préservée. La politique de privatisation de l’ONF menée par le gouvernement Macron doit être combattue très fermement.

Agir pour accroitre les surfaces boisées

La gestion forestière doit aussi viser à reboiser.
Déficit de boisement dans l'ouest de la France (IGN)

Une politique publique de préservation (pourvue qu’elle soit réelle), de prévention des risques et d’accueil des publics en forêt est saine. Mais en 2020, dans un contexte de réchauffement climatique et de répétition des sécheresses en France, ce n’est pas suffisant.

 

L’accroissement des surfaces forestières publiques est nécessaire et doit être recherché. Cette dynamique est nécessaire moins pour accroitre le stockage du CO2 dans les arbres que pour atténuer les effets de sécheresse dans le pays : les couverts forestiers continus favorisent les régimes de pluies par les masses d’air qui les traversent.  Les massifs forestiers continus sont peu présents sur l’ouest du territoire, par lequel passent une grande partie des masses d’air qui circulent sur le pays. Les travaux scientifiques font de plus en plus ressortir l'impact des couverts forestiers ur le climat local. Les forêts pourront agir comme bouclier contre les effest de sécheresse de plus en plus forts et fréquents qui s'annoncent en France. 

 

Enfin, le développement de l’usage du matériau bois pour des besoins durables pour la construction en remplacement de matériaux émetteurs de CO2 est souhaitable.

 

Le développement des surfaces forestières doit aussi rentrer dans les missions de l’ONF. Cette gestion forestière de croissance ne peut s’opérer que par investissement (achat de surfaces, nouvelles plantations), sans perspective de rentabilité financière à court terme. La gestion publique doit s'en occuper. 

La gestion forestière oubliée par la convention climat

La convention sur le climat en France a produit un catalogue de propositions assez intéressant. Cependant, alors que la forêt joue un rôle significatif dans la lutte contre le réchauffement climatique, les propositions de la convention sur la gestion forestière sont assez… pudiques.

 

La convention s’est contentée de rappeler le rôle de l’ONF et de lui adjoindre une mission de préservation de la diversité. Mais rien dans les objectifs pour développer les surfaces forestières. 

Comment combler les carences de l'état

On le voit, l’État défaillant, encore coincé dans des réflexes archaïques de rentabilisation financière et de privatisation des biens publics, n’a pas développé de vision appropriée sur la gestion forestière en France. La Terre du Futur cherchera à combler ce vide par ses projets de reboisement.


Article rédigé par Frédéric Durdux