Les arbres et forêts à un moment charnière
L’impact du changement climatique d’origine anthropogénique sur les arbres et les forêts peut être favorable ou défavorable. Pour synthétiser les effets, on peut considérer ces trois facteurs essentiels :
- L’évolution de la concentration en CO2 (cause à l’origine, devient effet avec les phénomènes de rétroaction);
- L’augmentation des températures ;
- L’évolution des précipitations ;
Dans cet article, on va considérer deux périodes : le passé et l’avenir. La période passée a pu faire l’objet d’études d’observations de l’impact du changement climatique sur le développement des arbres. Pour l’avenir les changements sont spéculatifs mais peuvent être estimés.
Impact du changement climatique passé sur les forêts
L'augmentation de la concentration en CO2 favorable aux arbres
Les études conduites en observant la période 1950-2000 indiquent un impact du changement climatique positif sur les arbres et les forêts, lié notamment à l’augmentation de la concentration en CO2 et celle, modérée, des températures. En particulier, Lucas A. Cernusak et al (référence 1 ci dessous) ont pu montrer la corrélation forte entre le taux de concentration en CO2 de l’atmosphère et la croissance des arbres. Cette corrélation est associée à l’accroissement de l’efficacité hydrique des arbres, qui ont besoin de moins d’eau pour croitre. L’évapotranspiration est réduite. L’étude suggère notamment que le phénomène a conduit au verdissement de régions semi arides, dû à une croissance foliaire significative.
La croissance modérée des températures a favorisé celle des arbres
Dans sa vidéo du MOOC Arbres, « le temps des saisons », Isabelle Chuine, Directrice de recherche au CNRS, suggère un développement des arbres lié à des températures plus élevées et un accroissement de la période de croissance des végétaux : une reprise de l’activité au printemps plus précoce de deux jours par décennie et une période d’activité plus tardive en automne d’une journée par décennie. Pour les feuillus, cela se traduit par des paysages verts plus longtemps en été.
Au Japon l’étude de l’effet du changement climatique sur la végétation du Mont Tsukuba étudié par Masamichi Takahashi (référence 2 ci-dessous) a montré que l’altitude maximale d’habitat du Chêne vert du Japon (Quercus Acuta) s’était élevée de 150 mètres entre 1961 et 2005. L’espèce étant à feuilles persistantes, le paysage pourra ainsi apparaitre plus vert sur toute la période de l’année.
Scénario pour le futur
L'impact du changement climatique sur les arbres change de nature
L’impact du changement climatique à venir à venir, jusque 2050, pourrait être moins favorable pour les arbres dans les régions tempérées.
Le changement climatique s’accélère et suit les scénarios les plus pessimistes du GIEC. Un réchauffement additionnel d’une amplitude de 2°C en France pour les 30 à 40 prochaines années n’est pas exclu.
Il s’accompagnera de périodes de sécheresses estivales de plus en plus fortes et fréquentes. Le phénomène pourrait être très brutal. Par ailleurs, l’effet favorable lié à l’augmentation du CO2 pourrait connaitre un effet de seuil.
Des effets de rupture pour les plantes
Les scientifiques qui évaluent les changements du climat et leur impact sur l’agriculture estiment que l’évolution ne sera pas progressive mais brutale, entrainant des ruptures irréversibles. L’étude de Maisa Rojas et al (référence 3 ci-dessous) évalue les échéances de ces ruptures pour des cultures types. Pour la France, les dates estimées se situent dans la décennie 2030-2040. C’est un horizon très proche. On peut être tenté de transposer ces principes aux arbres et forêts. Le dépérissement de certaines espèces pourrait être très rapide localement.
Le développement des sécheresses, facteur clé
Lors de périodes de sécheresses répétées, des sols privés d’eau mettent les arbres sous stress et conduisent à la cavitation de la sève dans les troncs entrainent dépérissement et mort des arbres. Ces évènements pourront présenter des ruptures de non-retour pour certaines espèces qui seraient alors éliminées d’une zone géographique.
Les possibilités d’adaptation des arbres comme la migration vers le nord des espèces ou les possibilités offertes par l’adaptation épigénétique pourraient être trop lentes en regard de la brutalité du choc à venir. Nous pourrions alors voir des espèces périr en masse lors de sécheresses dans certaines régions et ce de manière irréversible. Les paysages forestiers seraient alors marqués par des arbres morts en grand nombre et la densité des forêts devrait diminuer.
Ceci pourrait alors offrir un répit temporaire pour les autres espèces, en diminuant la compétition pour la lumière et l’eau. Les paysages forestiers dans une des étapes du changement climatique pourraient être moins denses en arbres, et qui seraient de moindre hauteur.
Changeons de paradigme
Le changement climatique se trouve sans doute à partie de la fin de la décennie 2010-2020 à un moment charnière. Celui pendant lequel l’impact du changement climatique sur les arbres et les forêts passe d’un effet favorable à défavorable. L’évolution des températures, mais surtout des sécheresses de plus en plus fortes et fréquentes vont mettre à mal nos espaces forestiers.
Pour conclure, il faut aussi poser la question en sens inverse : quel peut être l’effet d’un changement délibéré des paysages pour influer sur le climat. Comment pourrait-on par exemple s’appuyer sur les mécanismes biologiques des arbres pour faire évoluer les températures au niveau du sol et accroitre la quantité d’eau de vapeur d’eau dans l’air, vecteur des transferts d’énergie dans l’atmosphère (Michel Vieillefosse, réchauffement climatique, une affaire entre la nature et l’homme, l’Harmattan). Autant que la réduction des émissions des gaz à effet de serre, le développement des espaces forestiers sur les continents est nécessaire pour atténuer les effets du changement climatique. En France, le potentiel est important. Depuis la sédentarisation des hommes et l’apparition de l’agriculture, près de 70% du territoire a été déboisé, dessinant les paysages actuels. Cette déforestation, sous un climat tempéré, a permis de développer une société prospère. Cependant, sous le choc du changement climatique, la donne change. Il n’est alors pas concevable d’adopter une posture uniquement défensive pour les arbres et forêts face au climat.
En changeant nos paysages, en attribuant des surfaces pour de nouveaux espaces forestiers nous pourrions atténuer les effets du changement climatique. C’est le projet de la Terre du Futur.
Références
Le lecteur pourra se référer aux documents suivants cités plus haut :
- Référence 1, lien vers l’article “Robust Response of Terrestrial Plants to Rising CO2,” Lucas A. Cernusak, Vanessa Haverd, Oliver Brendel, Didier Le Thiec,Jean-Marc Guehl, and Matthias Cuntz.
- Référence 2, lien vers le dossier, pages 18 à 24 The Impact of Vegetation, Natural Disasters, and Pests on Forests and Related Adaptation Measures, Ministère de l’agriculture, des forêts et de la pêche du Japon, 2014.
- Référence 3, lien vers l’article “Emergence of robust precipitation changes across crop production areas in the 21st century", Maisa Rojas, Fabrice Lambert, Julian Ramirez-Villegas, and Andrew J. Challinor.
Cet article sur l'impact du changement climatique a été tiré d'un document rédigé pour le MOOC "Arbres" de FUN MOOC en février 2023 par Frédéric Durdux.