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Déforestation au Brésil et sécheresses liées?

Déforestation au Brésil et sécheresse
Image de synthèse des zones de sécheresses au Brésil, août 2021, crédit NASA

Jusqu’en 2013, l'évolution des épisodes de sécheresses au Brésil ne semblait pas montrer d’évolution marquante.

 

Cependant, les études récentes indiquent qu'un phénomène de déficits pluviométriques et de sécheresses semble s’installer dans ce pays. La déforestation au brésil est de plus en plus pointée du doigt comme en étant une des causes. Les études scientifiques récentes le confirment malheureusement


La sécheresse au Brésil de l'hiver austral 2021

Le contexte

En juillet et août 2021, sévit la pire sécheresse au Brésil, notamment sur les cinq états du centre ouest du pays. Près de 40% du territoire est affecté. Cette sécheresse touche très durement les fermiers des régions concernées. L’irrigation, quand elle existe, ne permet plus d’humidifier les cultures. La production hydroélectrique, un des atouts du pays, est touchée elle aussi et a dû être réduite. Des rationnements en eau et en électricité ont dû être organisés, engendrant un fort mécontentement des populations.  

L'accélération des déficits de pluie et des phénomènes de sécheresse.

L’évolution des phénomènes de sécheresse ne montrait pas d’évolution marquante pour le Brésil jusqu’en 2013. (Analyse des sécheresse au Brésil pour la période 1901-2013, par Joseph L.Awange, Freddie Mpelasoka et Rodrigo M.Goncalves).

 

Néanmoins, depuis cette dernière année, plusieurs études pointent d’une part une augmentation des déficits pluviométriques et d'autre part une augmentation de la fréquence des sécheresses. (The combined effect of climate oscillations in producing extremes : the 2020 drought in southern Brazil).

La déforestation au Brésil accroit l'effet des sécheresse
L'évolution des anomalies de précipitations dans deux régions au Brésil

Cette dernière étude a cherché à corréler les évolutions des phénomènes El Nino, des oscillations de l’Atlantique Nord et du Pacifique Sud pour expliquer cet accroissement des sécheresses.

 

Mais, pour les auteurs de l'étude,  ces évolutions ont des origines humaines,  anthropogéniques. Et c’est un changement climatique qui peut être durable.

La déforestation au Brésil accroit la probabilité des sécheresses

A ces effets de circulations des masses d’air, les auteurs pointent le facteur aggravant de la déforestation au Brésil. Celle-ci, en détruisant les forêts, réduit les phénomènes d’évapotranspiration qui leur sont associés. Ces mécanismes favorisent le recyclage des précipitations à l’intérieur des continents par la transpiration des végétaux des massifs forestiers.  

 

Les précipitations liées au recyclage de l’eau dans l’atmosphère par les forêts vers l’intérieur des continents peuvent s’élever à 15-20% du total des précipitations. Si on prend le cas de la région du Plata, le recyclage forestier accroit de 25 à 30% le niveau des précipitations en provenance du bassin de l’amazone.

 

La déforestation au Brésil casse ces chaines de recyclage et accroit les effets de sécheresses liées au changement climatique. 

Les forêts qui contribuent à faire le climat, une idée ancienne

Bien avant les conclusions de ces études qui font le lien entre la déforestation et la sécheresse au Brésil,  Christophe Colomb avait eu le pressentiment que l'affaiblissement des régimes de pluie sur l'île de Madère au 15ème siècle pouvait être lié à la déforestation de l'île pendant les décennies qui ont suivi sa colonisation.   

 

Plus près de nous, William Ruddiman, un paléoclimatologue américain qui a étudié les variations de concentration de CO2 et de méthane pendant les 12000 dernières années, a émis en 2007 l'hypothèse d'un lien entre les forêts et le climat.  Il suggère que les reforestations naturelles qui ont dû suivre l'invasion de l'Amérique du Sud par les colons espagnols et portugais pourraient expliquer les baisses de concentration de CO2 à partir du milieu du 16ème siècle. Celles-ci auraient pu contribuer à la baisse des températures observées pendant le petit âge glaciaire. L'origine de ces reforestations vient de la baisse des populations autochtones, victimes d'épidémies véhiculées par les conquérants. La baisse de la population entraine une réduction des surfaces agricoles et donc une progression de la forêt.  

 

Ces études doivent nous conduire à reconstruire notre vision du lien entre le climat et les forêts. Celles-ci ne sont pas qu'une conséquence des conditions climatiques. Elles participent aussi largement à modeler le climat, et ce dans des proportions plus importantes que nous ne pouvions l'imaginer.   


Les éléments de conclusion

  1. Il faut toujours garder en tête que les évolutions liées au changement climatique ne sont pas linéaires, mais suivent des modèles de type exponentiel. C’est à dire que les évolutions peuvent être très graduelles, voire imperceptibles, puis s’intensifier brutalement au-delà d’un seuil de rupture. Ces concepts ont été énoncés en 1972 par les auteurs de l’ouvrage « les limites de la croissance », appelé aussi rapport Meadow. C’est peut-être ce seuil de rupture qui est atteint au Brésil. Beaucoup d’observateurs craignent maintenant que l'effet de sécheresse au Brésil soit de plus en plus fréquent et intense, entrainent l’apparition de méga-feux, impensables jusqu’ici dans ces zones très humides.
  2. L’impact des forêts sur le climat est trop souvent  associé au seul effet puits de carbone, lié à l’absorption de CO2 transformé en carbone et oxygène. C'est en effet une réalité. Mais les bienfaits des forêts pour notre environnement sont bien plus riches. L’association forêt-précipitations devrait être plus souvent mis en avant. Les brésiliens vont sans doute bientôt mesurer l’impact de la déforestation sur leur propre climat. Cet effet est plus local que celui lié à la baisse de la capacité de puits carbone.
  3. Nous devons aussi intégrer l’effet potentiel des forêts sur les régimes de pluie sur nos territoires. En Europe, nous avons pendant 2000 ans décimé 70% de nos forêts, transformées en zones urbaines (7 à 8 % des surfaces) et en zones agricoles (60% des surfaces environ, du moins en France). Le contexte climatique évolue aussi en Europe. En France, les prévisions anticipent un climat de plus en plus sec en été notamment sur les façades ouest et méditerranéennes. Des impacts de cette évolution sur les cultures sont à craindre dès l’horizon 2030/2040, à partir duquel certaines cultures ne seraient plus possibles. Des opérations de reboisement massives dans l’ouest du pays pourraient être un moyen de limiter ces phénomènes. La partie ouest du pays, largement constituée de plaines, est peu pourvue en massifs forestiers de grande envergure. C’est un axe d’action que propose la Terre du Futur.

Cet article déforestation au Brésil et sécheresse a été rédigé par Frédéric Durdux.