Des mesures d'urgence insuffisantes et trop lentes
La propagation du coronavirus covid 19 appelle des mesures d’urgence pour enrayer cette maladie. Si en Chine elle a pu être contenue (mais sous un délai de trois mois tout de même) grâce à la mise en place d’un confinement strict des populations, notamment dans les régions-foyers de l’épidémie, les politiques mises en œuvre pour contenir la propagation en occident et plus particulièrement en Europe et aux États Unis sont stupéfiantes par leur inconsistance.
Il ne faut pas se le cacher : compte tenu de nos cultures, notamment en matière d’hygiène, aux standards moins élevés qu’au Japon, à Hong Kong, en Corée ou à Singapour, compte tenu de la non disponibilité d’un traitement contre cette maladie, la seule solution valable pour endiguer l’épidémie est le confinement des populations, et ce de la façon la plus stricte possible. Et surtout le plus rapidement possible.
Cette rapidité de réaction est très insuffisante dans la plupart des pays d’Europe. Mesurée en jours suivant le dixième décès lié au coronavirus covid-19, elle devrait intervenir dans les trois jours suivant ce point, comme en Chine. Pourtant dans ce pays, premier touché par l’épidémie, aucune donnée antérieure ne permettait de guider les décisions.
Pourquoi réagir rapidement?
La courbe de mortalité liée au coronavirus covid 19 suit une pente de 30% environ, c’est-à-dire que chaque jour, le nombre de décès cumulé augmente dans cette proportion. On voit sur les graphiques publiés par le Financial Times et l’université John Hopkins que ces courbes en Chine et en Italie ont commencé à fléchir après le 10ème jour suivant le début d’un confinement strict, ce qui est logique compte tenu des délais d’incubation et de développement de la maladie sur les individus. Mais le retard pris par l’Italie pour déclencher cette mesure, 12 jours plus tard qu’en Chine, devrait entrainer une mortalité supérieure de 10 à 12000 décès…
Alors pourquoi attendre pour confiner ? Si la Belgique, meilleure élève de l’Europe à ce jour, n’a pas attendu, l’Espagne a mis 7 jours pour réagir, la France 9, le Royaume Uni 12, et d’autres pays comme l’Allemagne, les Pays Bas, n’ont toujours pas pris de mesure forte, alors même que la courbe de mortalité y croit comme dans tous les autres pays. Chaque jour de retard pourrait générer 1000 décès supplémentaire. Réagir tôt permet de limiter cette mortalité, et surtout d’isoler les foyers, afin de laisser des régions en dehors d’une large épidémie, pour qu’elles aient la possibilité de déployer des moyens médicaux et hospitaliers pour venir en aide aux régions le plus affectées.
Penser humain d'abord, économique ensuite
Les motivations économiques avancées pour ne pas prendre de mesure forte sont irresponsables. D’une part parce que la propagation de l’épidémie fera directement plus de morts, mais aussi indirectement parce que l’épidémie met les systèmes hospitaliers sous une très forte pression pour traiter le coronavirus covid 19, en différant le reste, ce qui aura un effet indirect sur la santé globale des populations. L’hôpital subira une deuxième vague : le rattrapage de tout ce qui n’aura pas pu être fait dans les délais normaux.
Sur le plan économique le raisonnement est d’une grande absurdité. Tout retard pris dans la mise en place du confinement augmentera le coût résultant de l’épidémie dans des proportions considérables. Parce que le coût médical sera élevé, et surtout parce que la crise sanitaire durera plus longtemps.
Aux États Unis, aucune politique forte n’a été déployée au plan fédéral, ce qui augure d’une crise sanitaire à venir très importante. Plusieurs foyers d’envergure sont observés (État de New York Californie, Louisiane, Floride…) et les mesures de confinement sont très locales. Au pays de l’hypermobilité les virus se propagent partout, et tout le pays sera affecté. Dans ce pays le bilan humain sera très lourd, et la crise économique qui en résultera, terrible.
Beaucoup de pays occidentaux ont des politiques totalement inconséquentes face au coronavirus. Ils le paieront lourdement, en mortalité, par écrasement de leurs systèmes hospitaliers et par l’ampleur de la crise économique qui en résultera. Il faut d’abord traiter l’humain, et ensuite s’occuper de l’économique. D’une part parce qu'il est moralement et humainement impossible de faire autrement, ensuite parce que cela facilitera le traitement économique. Mais jusqu'ici, l'occident est aveugle et inconséquent.
Rédigé par Frédéric Durdux
Les graphiques du Financial Times et de l'université John Hopkins peuvent être consultés en anglais sur le site du média.